Sciences Po Rennes a accueilli la table ronde « Habitat et habitabilité : quelles alternatives émergentes pour la Bretagne à l’horizon 2060 », invitant Emmanuel Janvier, chef de pôle Prospective du CESER; Marie-Pascale Lepetit, vice-présidente de la section Prospective; et Nicolas Guillas, co-rapporteur de l’étude, à présenter le rapport du CESER « Les usages du sol en Bretagne - Une prospective à l’horizon 2060 ». Afin d’éclairer la problématique du logement, ils étaient accompagnés d’Alexis Alamel, maître de conférence en géographie à Sciences Po Rennes et de Gaëlle Petit, maîtresse de conférences en sciences de gestion et titulaire de la chaire Agir pour Préserver l'Habitabilité de la Terre (APHAT) pour la modération.
Les membres de la section Prospective du Conseil économique régional de Bretagne (CESER) ont débuté la table ronde par la présentation de leur rapport « Les usages du sol en Bretagne - Une prospective à l’horizon 2060 ». Le CESER est la deuxième assemblée régionale de Bretagne. Il s’agit d’une assemblée consultative, composée d’acteurs de la société civile, qui émet des avis sur la politique régionale, formule des propositions pour enrichir la réflexion des élus et réalise des études de fond pour partager au plus grand nombre les enjeux du développement de la Bretagne.
Les intervenants ont d’abord rappelé l’importance des sols. Au-delà des multiples usages et de la régulation juridique qu’ils permettent, ils sont composés d’écosystèmes dont les fonctionnalités environnementales sont essentielles. Toutefois, la santé des sols ne cesse de se détériorer au fil des ans, entre autres à cause de la déforestation et de l’utilisation excessive de pesticides. C’est dans ce contexte que le CESER a réalisé une prospective sur les usages du sol en Bretagne, région dont la superficie consacrée aux activités agricoles est la plus importante de France.
Suite à leurs recherches, les membres du CESER ont établi quatre scénarios, plus ou moins optimistes, à l’horizon 2060 :
Scénario 1 : « Des usages du sol sectorisés par une spécialisation des enjeux » : Les villes sont plus durables (constructions vers le haut) mais une agriculture encore plus intensive, maîtrisée par de grands organismes, s’est installée.
Scénario 2 : « Des usages du sol redistribués par des réinvestissements locaux » : Ici, un nouvel ordre politique décentralisé s’est installé et l’on constate un délaissement des métropoles au profit d’un réinvestissement des campagnes. Les sols et les ressources sont ménagés à travers une révolution agro-écologique et le retour de l’artisanat.
Scénario 3 : « Des usages du sol libéralisés par une économie remodelée » : De grands groupes détiennent les surfaces agricoles qu’ils remobilisent pour l’implantation de méga-fermes énergétiques dans une logique de rentabilité maximale. Le développement d’une nouvelle économie et du tourisme accélèrent l’artificialisation des sols et la surexploitation des ressources.
Scénario 4 : « Des usages du sol planifiés par la souveraineté nationale » : L’État prend la main pour sécuriser les ressources (alimentaires, minières…) dans un objectif d’autonomie nationale. Les secteurs portuaires de défense sont fortement dynamisés. Des cartes carbones individuelles sont mises en place, limitant les usages. En somme, les objectifs sont atteints par la contrainte.
Ces prospectives mettent en avant des questions majeures et les multiples risques qui se présagent comme l’accroissement des inégalités, la concentration de priorités ou l’émergence de conflits. Les intervenants ont insisté sur la nécessité de porter au débat public ces questions, pour ainsi éviter les situations complexes et les divisions soulevées dans le rapport.
La présentation des travaux du CESER a été suivie de l’intervention d’Alexis Alamel qui a évoqué des pistes d’habitats alternatifs. Il s’est arrêté sur l’exemple des « Tiny houses » (petites maisons) dont les surfaces habitables sont réduites aux maximum. Ces maisons transportables répondent au besoin de diminuer les surfaces recouvertes. Il souligne que la plupart des habitants de ces petits logements sont généralement des personnes diplômées, à la recherche d’un rapprochement vers la nature, d’un retour vers le minimalisme et d’un désir de mobilité.
Toutefois, Alexis Alamel a également rappelé que le choix pour ces habitations était parfois lié à des contraintes économiques ou à des situations d’urgence. Par ailleurs, il souligne qu’elles ne sont pas adaptées à tous les publics, à l’image des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.