Dans le cadre des journées rennaises de la laïcité organisées par le Comité consultatif de la laïcité et par la ville de Rennes, Alexis Buixan, maître de conférences en droit public, membre du Comité consultatif de la laïcité de Rennes et président de Laïcité 35; et Thibault Tellier, professeur des universités à Sciences Po Rennes historien et chercheur associé à la Chaire Territoires et mutations de l’action publique (TMAP), ont organisé une conférence autour de la question suivante « Faut-il inscrire la loi de 1905 dans la constitution ? »
À l’heure ou de plus en plus de citoyens s’inquiètent du manque de protection entourant la laïcité et face à la récurrence des interrogations sur sa fragilité, les deux enseignants se sont saisis de la question de la constitutionnalisation de la loi de 1905. Alexis Buixan a rappelé que ce texte fondateur de la laïcité en France, garantit la liberté de conscience, la liberté de culte et la séparation des Églises et de l’État. De surcroît, il contient un titre entier consacré à la « police des cultes » dont le but est de limiter les pratiques religieuses dès lors qu’elles entravent le maintien de l’Ordre public.
Dans un soucis de rigueur historique, Thibault Tellier s’est ensuite attelé au résumé du cheminement ayant précédé la loi de 1905. Il a d’abord évoqué la révolution française et l’imposition faite aux prêtres en 1790, par la Constitution civile du clergé, de prêter serment d’allégeance à la Nation, les obligeant à rompre avec le pape.
Ensuite, il a rappelé la mise en place par Napoléon Bonaparte en 1801 du Concordat à travers lequel :
- le Saint-Siège a reconnu le gouvernement de la République française et la compétence du Chef de l’État dans la nomination des évêques
- l’État a admis le catholicisme comme "religion de la grande majorité des français"
Enfin, Thibault Tellier a évoqué d’autres étapes ayant précédées la loi de 1905, telles que la séparation pensée sous la Commune, les lois Ferry de 1881 et 1882, la suppression des prières publique à l’ouverture des sessions parlementaires en 1884 ou encore la rupture des relations diplomatiques avec le Vatican en 1904.
Les intervenants se sont ensuite penchés sur la volonté des rédacteurs de la loi, estimant qu’il s'agissait d’un projet de compromis, permettant à chacune et chacun d’avoir ses propres convictions morales et religieuses, sans pour autant les imposer dans les lieux publics. Une pleine neutralité de l’État s’est alors installée, les pouvoirs publics ne reconnaissant, ni ne subventionnant aucun culte.
Pourquoi cette loi a-t-elle été à l’origine de conflits au début du XXème siècle ?
D’abord, toute religion en situation hégémonique ne tient pas à perdre sa position centrale, ce qui explique la méfiance de l’Église vis-à-vis de la loi et de la République. Ensuite, l’inventaire des biens de l’institution pour déterminer ce qui appartenait à l’État n’a fait que renforcer les tensions. Enfin, la position du Pape Pie X incitant les français à se dresser contre cette loi n’a pas facilité son acceptation.
Toutefois, malgré ces résistances, les enseignants soulignent la pérennité de la loi depuis son instauration, notamment parce qu’elle permet de maintenir une forme de stabilité au sein de la société. Il n’en demeure pas moins qu’elle fait l’objet de moult contestations depuis ces vingts dernières années.
Quels avantages apporterait une constititutionnalisation de la loi ?
Alexis Buixan fait valoir qu’un certain nombre d’interprétations de la laïcité par les juges interroge, à l’image du juge administratif qui a une vision extrêmement souple concernant les subventions accordées aux cultes. Une constitutionnalisation permettrait ainsi de stabiliser les interprétations et de réaffirmer le caractère unitaire de la République française.
En revanche, cela impacterait considérablement l’Alsace-Moselle pour qui la loi de séparation de l’Église et de l’État ne s’applique pas, créant ainsi une différenciation vis-à-vis du reste des citoyens. Il convient également de rappeler que la loi de 1905 ne s’exerce pas dans certains territoires d’Outre-mer, à l’image de Mayotte et de la Guyane, qui bénéficient d'un statut des cultes leur étant propre.