Agora des transitions : retour sur le débat "le nucléaire peut-il sauver le climat ?"

02/12/2025 10:58
© Sciences Po Rennes

Le mardi 4 novembre 2025, le campus de Caen de Sciences Po Rennes a eu le plaisir d'accueillir Béatrice Hovnanian, enseignante agrégée d’anglais, élue communautaire à Caen et co-réalisatrice du documentaire Quelles énergies pour demain ? et Yves Marignac, expert énergie et nucléaire et porte-parole de négaWatt, pour un débat autour du sujet suivant : le nucléaire peut-il sauver le climat ? Le débat a été animé par Alexis Alamel, maître de conférences en géographie au campus de Caen.

Yves Marignac a ouvert le débat en présentant brièvement Négawatt, l’association d'experts dont il est le porte-parole et qui cherche à soutenir le débat public en offrant des scénarios énergétiques autour de la neutralité climatique. Il a souligné l’importance capitale de l’implication citoyenne dans les questions énergétiques nationales afin d’assurer un équilibre des pouvoirs notamment par rapport aux élus, qui ont parfois ignoré ou contredit les paroles d’experts. Selon lui, parler de la question énergétique en 2025 en passant par l’unique débat entre nucléaire et énergies renouvelables, c’est s’inscrire dans un déni démocratique grave qui ignore la question essentielle de la sobriété énergétique. Selon Négawatt, il est possible d’atteindre une consommation d’électricité passant uniquement par le renouvelable d’ici 2050 à condition d’y rediriger les investissements destinés au nucléaire, et de diviser notre consommation d’énergie par deux. 

Ce constat est partagé par Béatrice Hovnanian, qui a rappelé que les conclusions 2023 du GIEC ont placé le solaire et l’éolien comme les énergies fondamentales de la transition, tandis que le nucléaire n’est évoqué que pour la fin de l’exploitation des centrales d’aujourd’hui. Elle a aussi mentionné que les pays qui s’engagent le plus fortement dans le nucléaire sont plus émetteurs que ceux qui s’engagent au même niveau dans les énergies renouvelables. Le nucléaire demande en effet un investissement tel qu’il est difficile à rendre compatible avec un virage vers les énergies renouvelables.

 Yves Marignac a aussi dénoncé la temporalité du nucléaire par une comparaison frappante : si l’on respecte à la lettre nos prévisions d’aujourd’hui sur la gestion des centrales nucléaires, le dernier EPR sera démantelé en 2130 et les derniers déchets stockés en 2180. Cette échelle de temps amène la question de la pérennité des plans autour du nucléaire, notamment sous l’angle géopolitique et sociétal. Projeter la société vers la fin des EPR, c’est comme projeter la société d’aujourd’hui lorsque l’on était en 1840.

La discussion a ensuite porté sur la Normandie, future région la plus nucléarisée de France, avec plus de 10 réacteurs et des usines de traitement. Les risques liés aux piscines de stockage à la Hague, mal protégées, ont été évoqués, ainsi que la pression géopolitique exercée par les EPR. Les participants ont insisté sur la faiblesse du modèle centralisé français face aux enjeux de flexibilité et de pilotage local, sur la forte dépendance à l’importation d’uranium, et sur les risques liés au nucléaire militaire.

Cette conférence a attiré de nombreuses personnes extérieures au campus, et tous ont pu apprécier les interventions pertinentes des deux invités, dans leurs pédagogies ainsi que dans les questions soulevées. La soirée s'est terminée par le traditionnel buffet.

Cette conférence était passionnante, j'ai trouvé particulièrement marquante l'analogie du temps futur nécessaire au nucléaire avec le temps passé.

Oscar Alber Étudiant M1 In Situ du campus de Caen