Le 17 septembre dernier, Sciences Po Rennes a eu le plaisir d’accueillir Darren Smith, professeur de géographie à l’Université de Loughborough (Angleterre), pour une conférence donnée en anglais sur les transformations du monde rural au Royaume-Uni et les dynamiques de gentrification qui y sont à l’œuvre. Spécialiste reconnu de la « studentification » et des mutations des paysages ruraux britanniques, Darren Smith a su captiver l’auditoire en partageant ses recherches les plus récentes avec passion et clarté.
D’abord invité au campus de Caen, le chercheur a prolongé son séjour en Bretagne pour échanger avec les étudiantes et étudiants rennais de l’Ecole. La conférence a permis de mieux comprendre comment l’« idylle rurale », cet idéal de vie paisible à la campagne, continue d’exercer une forte attraction sur les populations urbaines britanniques. Cette quête d’un quotidien plus calme, souvent associé à une meilleure qualité de vie pour les familles, a pris une nouvelle dimension depuis la pandémie de Covid-19.
Darren Smith a ainsi montré comment cette période charnière a favorisé une reconceptualisation de la gentrification, jusque-là largement pensée dans un cadre urbain. Avec l’essor du télétravail, la montée des préoccupations autour de la santé mentale et du bien-être, de nombreux citadins ont fait le choix de quitter les grandes villes pour s’installer à la campagne. Ce mouvement, largement relayé par les médias britanniques, s’est traduit par une hausse du prix de l’immobilier rural de 22,5 % et une intensification des migrations internes.
Dans ce contexte, les campagnes britanniques, qui couvrent 62 % du territoire se transforment en profondeur. Longtemps protégées par des politiques strictes d’aménagement, les « green belts » et « grey belts » sont désormais soumises à une pression immobilière croissante. Le gouvernement de Keir Starmer, avec son slogan « back the builders », a contribué à cette évolution en soutenant les politiques de construction, même dans ces zones historiquement préservées.
Pour Darren Smith, il ne s’agit pas d’une simple gentrification, mais d’une « supergentrification » du rural : des territoires autrefois marginaux deviennent attractifs, voient leur démographie ainsi que leurs commerce et écoles augmenter, mais restent financièrement inaccessibles pour une partie de la population. Résultat : une crise du logement se profile, dans un Royaume-Uni dont la population n’a jamais été aussi nombreuse sous l’effet de la migration internationale.
La conférence s’est terminée sur un temps d’échange en anglais très stimulant. Les étudiants ont pu poser leurs questions, qu’il s’agisse des techniques et des terrains d’enquêtes privilégiés pas le chercheur, ainsi que des questions sur la viabilité à long terme de ce changement de paysage au Royaume-Uni, mais également en France. Ce moment d’interaction a permis d’approfondir certains enjeux méthodologiques de sa recherche, mais aussi d'ouvrir des pistes de réflexion sur les dynamiques spatiales en France et ailleurs.
