Florian Manet est colonel de gendarmerie, auteur de Thalassopolitique du narcotrafic,et chercheur associé à la Chaire 4M. Nous lui avons posé trois questions afin d'explorer davantage ses problématiques de recherche.
Florian Manet, vous êtes colonel de gendarmerie et passionné par les enjeux maritimes, comment en êtes-vous venus aux questions maritimes ?
La gendarmerie nationale est en charge d'assurer la sécurité au profit de nos concitoyens dans tous les milieux quels qu'ils soient, physiques comme immatériels. De plus, elle est déployée sur les littoraux et, notamment, dans les territoires et collectivités d'outre-mer où elle contribue, notamment, à l'exercice de missions de souveraineté. Enfin, elle dispose d'une gendarmerie spécialisée dans le domaine maritime et portuaire, la gendarmerie maritime. C'est une organisation originale placée sous les ordres du Chef d'état-major de la Marine nationale. En étroite coordination avec les autres services de l'État, elle complète les missions traditionnelles de la Marine, notamment en terme d'action de l'état en mer (AEM), chargée de faire respecter les lois françaises et internationales dans les eaux territoriales. Outre un dispositif de surveillance des bases de la Marine et de surveillance du littoral, elle dispose de vedettes et de patrouilleurs qui agissent à la mer mais aussi d'unités d'intervention portuaire qui découlent de l'application du code ISPS (International Ship and Port Facility Security Code).
Pour ma part, au delà d’intérêts personnels en Bretagne, j'ai eu une expérience décisive, entre 2015 et 2018, lors du commandement de la Section de Recherches de la gendarmerie Maritime, le service nationale de police judiciaire de la mer. Par les différentes enquêtes conduites, j'ai pris conscience du rôle joué par les vecteurs et espaces maritimes dans le développement de la criminalité organisée transnationale que cela soit en matière de trafics illicites (drogues, véhicules volés, médicaments contrefaits...) ou d'atteinte à l'environnement (pêche illégale, rejet volontaire d'hydrocarbures..). J'ai aussi pris la pleine mesure de la spécificité des activités maritimes et de ses conséquences sur l'exercice de la police judiciaire. Vulgariser ces contraintes et convaincre les autorités d'investir ce milieu est désormais au cœur de ma détermination et explique le travail d'écriture que je mène dès lors inlassablement !
On associe généralement le narcotrafic à des activités terrestres plutôt que maritimes. Quels sont, selon vous, les principaux enjeux de la lutte contre le trafic de drogues en mer ?
Le narco-trafic constitue une menace grave qui porte atteinte à l'ordre public mais aussi à la souveraineté des États. Il est rendu visible à terre par les marchés de revente et des stratégies de sécurité qui se focalisent sur des approvisionnements secondaires. Toutefois, l'accroissement des volumes de substances produites, l'internationalisation des trafics illicites et le dynamisme des marchés de consommation ont accéléré la maritimisation de cette activité. Toutes les substances ont, en effet, pris la mer à un moment ou un autre de leur exportation. De fait s'est imposée la nécessité de considérer la lutte contre ce trafic illicite dans sa globalité en portant l'effort sur des flux d'approvisionnement stratégiques.
Ainsi, les espaces maritimes apparaissent à la fois comme des traits d'union entre continents, entre aires de production des substances psychotropes et marchés de consommation, et, par ailleurs, comme des démultiplicateurs de puissance. La massification du fret, la souplesse du vecteur maritime, la faiblesse des contrôles... sont autant d'atouts qui séduisent des organisations criminelles avides de pouvoir et de gains financiers. Les saisies conduites dans les ports sur les flux contenairisés ou les interceptions en haute mer opérées sur des navires de plaisance ou de pêche... démontrent la réalité de cette criminalité transnationale. Et elles révèlent une géographie des flux que je nomme "thalassopolitique" délivrant un regard centré sur les océans.
Quels sont les principaux défis maritimes de demain ?
Les défis du maritime se conjuguent avec une dépendance accrue à la maritimisation pour les sociétés, les économies mais aussi observées dans les relations internationales. Il s'agit alors d'accompagner ce phénomène irréversible. Ainsi, la sécurité comme la sureté des installations, vecteurs et espaces maritimes sont devenues des impératifs stratégiques. D'autant plus que nous évoluons dans un monde fragmenté et en compétition.
Finalement, les enjeux du maritime ne résonnent-ils pas avec souveraineté, résilience dynamisme économique et développement de l'économie bleue ? C'est une responsabilité importante pour la France, affichant la deuxième Zone Économique Exclusive. N'est-ce pas là une source privilégiée de développement et d'affirmation offerte à notre nation ?