Innovation pédagogique

“Le paysage pour faire société avec la Terre” par Jean-Marc Besse

20/10/2023 10:49

Dans le cadre de l’Agora des transitions, de la formation à la maîtrise d’usage proposée par Sciences Po Rennes et l’association Démosthène et de l'accueil de l'École Nationale Supérieure de Paysage de Versailles (ENSP), les étudiants ont pu échanger autour des enjeux de l'habitabilité de la Terre.

Agrégé en philosophie et docteur en histoire, Jean-Marc Besse est également directeur de recherche au CNRS et directeur d’études à l’EHESS. Ses travaux portent notamment sur l’histoire des pratiques, des formes, des représentations de l’espace et du paysage à l’époque moderne et contemporaine.


Le point de départ de sa réflexion est l’observation et l’expérimentation de la crise socio-écologique. Il pose la question de la ré-habitation de la Terre qui implique une nécessaire réévaluation de nos pratiques collectives et de nos imaginaires. Cette réévaluation doit selon lui d’abord s’opérer autour de la notion de matière, pour mieux appréhender nos rapports humains avec cette dernière. Ce sont ces rapports humains qui expliquent nos interactions, productivistes et extractivistes avec notre environnement.

Le paysage : dépasser la notion de décor

Jean-Marc Besse propose de réinvestir une forme de continuité avec l’environnement. Ce réinvestissement pourrait se faire avec le paysage, c'est à dire avec l'ensemble de nos pratiques et de nos gestes afin de penser une réarticulation entre l’environnement et la vie terrestre.

Envisager l’humain comme sujet concret, incarné, complet (esprit et corps) et se poser la question de la qualité des relations de ces corps avec leurs environnements naturels et urbains, ce sont ces expériences qui font paysage

Une conception éthique et politique du paysage

Jean-Marc Besse considère le paysage comme un concept non dualiste, face à la binarité du rapport entre nature et société humaine. Le paysage est d’abord une expérience sensible et affective, éprouvée par le corps et l’esprit. En effet, le paysage nous entoure, nous pouvons le toucher, le sentir, l’entendre. Le paysage n’est donc pas uniquement ce qu’on voit de loin, nous vivons dedans, nous sommes dedans. En cela, le concept de paysage est étroitement lié à la notion de liberté. L’accès au paysage, l’accès à l’expérience paysagère doit être envisagé comme un véritable droit selon le philosophe

Le droit au paysage doit faire parti des droits humains, un droit au paysage entendu comme droit à l’expérience

Territoire, biorégion, paysage

Pour Jean-Marc Besse, le concept de paysage est le plus pertinent en termes de découpage. En effet, la notion de territoire renverrait selon lui à une conception anthropocentrée de l’environnement. La notion de biorégion permet de mieux prendre en compte le vivant, mais occulte la dimension historique du paysage. Il s’agit selon lui “d’historiciser la nature et de naturaliser l’histoire”, afin d’articuler l’action publique dans une temporalité qui est plus qu’humaine.

Réenvisager notre grammaire d’actions

Le philosophe entend également sortir d’une conception technicienne de l’action, par laquelle nous agissons toujours sur la matière, car cette dernière n’est ni inerte ni indéfiniment transformable. Il propose ainsi d'agir sur et avec la matière dans une forme de “conversation permanente”. L’action doit donc “délivrer les potentialités immanentes d’un monde en devenir”. 

Pour Marcia et Lucine, étudiantes en 2ème année sur le campus des transitions, les partenariats avec d’autres écoles ou des associations externes “permettent d’appréhender une autre approche des sujets étudiés en cours comme l’habitabilité, de découvrir de nouveaux concepts, ici le paysage, et de faire dialoguer les auteurs et acteurs”.